© 1989, Texte et dessins de ces pages :  Laurent  Koechlin. Ce texte date de 1989, il a été publié sous forme de brochure par  Ciel et Espace
 

chapitres 1 à 3.1
Cette page contient les chapitres   3.2   à   4.3
chapitre 5  à  6.2
chapitre  6.3  à  la fin
 

TABLE DES MATIERES
 

3.2 - CONTRÔLE DU RAYON DE COURBURE

Pour suivre correctement les progrès de l'ébauchage et s'arrêter à la concavité voulue, dont dépendra la distance focale (f), il faut disposer d'un moyen de contrôle de la courbure du miroir. Sa surface est quasiment une calotte de sphère dont le rayon est le double de la focale (f).


Si le diamètre du miroir D = 210 mm et f/D = 6,  alors f = 6 x D = 6 x 260 mm = 1,26 m = 1260 mm.

- Le rayon de courbure R = 2 x f, soit 2 520 mm.
- La flèche e = D2 / (8R)  = 2,19 mm.

3.21 - Le calibre en bristol

Découper  dans un matériau quelconque (carton à chemise ou bristol  de préférence)  un arc  de cercle identique au rayon de courbure du miroir (2,52 m  dans  notre cas). On applique ce calibre sur le miroir et  l'on  regarde l'intervalle  entre  le verre et celui-ci. De cet écartement on  en  déduit visuellement la précision de la courbure.

Pour  tracer  un  arc  de cercle de 2,52 mètres de rayon, il faut un compas de grande taille, introuvable dans le commerce. Pour le  remplacer, on utilise une longue planche, (ou éventuellement plusieurs vissées bout  à bout), que l'on fait pivoter autour d'un clou. A l'autre bout, on fixe  une lame  de rasoir qui découpe le carton punaisé sur une planche bien lisse. Ne pas chercher à remplacer la planche de bois par un  fil car le tracé serait mauvais à cause de l'élasticité du fil et du mauvais maintien de l'outil de coupe.

Un ruban métallique comme ceux utilisés dans les mètres rubans convient bien par contre. On trouve des mètres rubans de 3 m, c'est parfait car ils sont déjà gradués, il suffit de percer un petit trou à un bout pour placer le pivot, et de scier ou limer une petite échancrure à la distance voulue pour tenir la lame de rasoir).

Le bon calibre ne sera peut être pas le premier, aussi est-il conseillé de s'y reprendre à plusieurs fois.

Cette  méthode  ne donne pas une précision de plus de 0,1 mm sur  la mesure,  ce qui engendre une incertitude de 12 cm sur la focale.
Avec environ 2,2 mm de flèche et 210 mm de diamètre, une erreur de x sur la mesure de la flèche entraîné une erreur de 1150 fois x sur l'estimation du rayon de courbure, soit 11,5 cm pour une erreur de 0,1 mm ou bien encore 60 cm pour une erreur de 0,5 mm. Ne pas s'affoler : la méthode du calibre donne facilement 1 a 2/10 eme de mm de précision sur la flèche.
De  toutes façons,  à l'ébauchage, le miroir n'est pas encore sphérique et l'on  pourra modifier  la focale de quelques centimètres pendant le doucissage. Pour  la contrôler, il faudra utiliser un moyen de mesure plus précis (schéma 3.5).

3.22 - mesure du rayon de courbure par réflexion

Si l'on mouille le disque  miroir, il  devient réfléchissant. Évidemment,  la  mince pellicule d'eau qui reste sur la surface  n'est  pas d'une épaisseur uniforme et ne représente pas exactement la forme du verre, mais  elle est suffisamment régulière pour  donner  l'image  d'un  point lumineux  placé  en  son  centre de courbure. Quand  le  miroir  est juste ébauché, la région où cette image est nettement distincte ne  s'étend  pas sur  plus  de 5 cm de longueur. Elle est encore plus réduite  au  début  du doucissage. Lorsque la source et l'image sont dans un même plan, devant  le miroir,  leur distance à celui-ci est le rayon de courbure.  Cette  seconde méthode,  bien  que  plus lourde à mettre en oeuvre,  donne  une  meilleure précision.  Elle est plus adaptée aux mesures finales de l'ébauchage.

Ne comptez pas connaître exactement la focale de votre miroir avant le polissage. C'est pour cela qu'il est recommandé de ne commencer le tube  du télescope que lorsqu'on a terminé le miroir.

3.23 - Le sphéromètre

C'est la méthode la plus précise pour connaître la focale : on mesure la flèche à l'aide d'une vis, sur le même principe que le palmer. Le sphèrometre repose sur trois points à la surface du miroir, et la vis vient palper le centre du miroir. La différence de hauteur entre le cercle où s'inscrivent les trois points de contact et le centre du miroir est la flèche que l'on veut mesurer.

3.24 Utilisation du sphèromètre

On mesure la différence de courbure entre le miroir et l'outil. Posez d'abord le sphèromètre sur la face convexe de l'outil (celle qui a servi à creuser le miroir) . Dans les schémas suivants la courbure des surfaces est fortement exagérée

Tournez la vis jusqu'à ce qu'elle affleure la surface et libère les 3 pieds d'une partie seulement du poids de l'appareil : on doit le sentir prêt à tourner autour du point de contact central, mais bien en contact aussi avec la surface aux trois points périphériques.
Notez le chiffre de la rondelle graduée pointé par la règle.

Prenez délicatement le sphèromètre, et posez le maintenant sur la face concave du miroir. La vis centrale n'est plus en contact avec le verre. Comptez le nombre de tours qu'il faut visser pour atteindre la surface, tours entiers et dixièmes, en vous servant des 10 graduations que vous avez faites, et notez la différence. Si votre boulon est bien de diamètre 6 mm, 1 tour correspond exactement à un déplacement de 1 mm. Le nombre de tours donne donc la distance parcourue en mm. Divisez par 2 cette valeur : vous avez la flèche du miroir.

Pour obtenir le rayon de courbure R, utilisez la formule : e = d2 / 8R   =>   R = d2 / 8e
où e est la flèche trouvée et d le diamètre du cercle délimité par les 3 pieds du sphèromètre : ici 140 mm ; PAS le diamètre du miroir !
 

3.3 - FIN D'ÉBAUCHAGE ET PRÉPARATION AU DOUCISSAGE

La fin de l'ébauchage a pour but de réduire les écarts à la sphère et les écailles profondes dues aux fortes pressions tout en continuant de  creuser légèrement. A ce stade la courbure change peu. Lorsque vous êtes à la concavité voulue, flèche correcte à 1 ou 2 dixièmes près , remplacez les courses  d'ébauchage par les courses de fin d'ébauchage (dessin et photo en haut à gauche de  la p. 23, nx 135), 10 séchées de ce type plus 10 séchées de courses "normales" doivent nous amener à la bonne courbure tout en préparant le doucissage.
 

Une fois l'ébauchage terminé, il est nécessaire  de tout nettoyer minutieusement : le sol du local, le poste de travail ainsi que ce  qui  a été manipulé pendant l'ébauchage. Il faut impérativement changer les  cales et  leurs vis qui ont dû rouiller, la cuvette qui s'est incrustée de  carbo ainsi  que la feuille de plastique qui recouvre le poste. Les disques  sont alors prêts pour le doucissage.
 
 

4 - LE DOUCISSAGE

Votre disque miroir est maintenant ébauché, c'est-à-dire qu'une de ses faces  a été creusée et approximativement à la concavité voulue. En  effet, l'abrasif  utilisé  (carbo  80 ou corindon 80)  a  laissé  un  dépoli  assez grossier et les pressions mal réparties qu'on a dû exercer pour creuser  le miroir n'ont pas engendré une forme sphérique (figure 4.1).

Le doucissage a deux rôles : parfaire la forme des surfaces et réduire le  dépoli  des écailles de quelques millièmes de mm qui,  seules,  peuvent être  nivelées  par le polissage dont l'action est très lente.  On  utilise successivement  5 à 6 sortes d'émeris ou de corindons de taille  dégressive (0,1  mm à 0,005 mm)  : le premier use le dépoli laissé par le carbo  et  le remplace par un plus fin qui est à son tour usé par le second, et ainsi  de suite pendant six étapes. A titre indicatif, un astronome amateur hardi  et persévérant  qui  déciderait de passer directement du carbo 80 au  rouge  à polir perdrait bien dix ans de sa vie à transpirer sur son polissoir  avant d'obtenir une surface acceptable !

Au début du doucissage on accorde le mieux qu'on peut la courbure à la focale  voulue.  Une fois la bonne valeur atteinte, celle-ci ne  doit  plus changer.  Pour  cela on alterne une séchée miroir dessus (qui  augmente  la concavité du miroir)  avec  une séchée miroir dessous (qui la diminue).

MATÉRIEL ET PRODUITS POUR LE DOUCISSAGE
- 1 cuvette (mais pas la même qu'à l'ébauchage),
- 1 éponge neuve,
- 1 carnet,
- les émeris :
 cor 120,  cor 180,  W1,  W2,  W3,  BM 303 1/2,  BM 304
ou : émeri 1 mn,  2 mn,  5 mn, 10 mn, 20 mn,  40 mn, 60 mn,

 - 1 nouvelle feuille de plastique pour recouvrir le poste et envelopper les cales.
 - 3 cales neuves.

Avant  de commencer le travail, vérifiez soigneusement que tout a  été nettoyé  dans le local, refaites les chanfreins de l'outil et du miroir  si nécessaire  et  rangez  les émeris dans des pots bien  bouchés  :  pots  de confiture  ou petites bouteilles en verre avec  un bouchon de liège.
 

4.1 DEBOURBAGE D'UN ÉMERI

Les  grains  d'émeri en suspension dans l'eau se précipitent  vers  le fond d'autant plus rapidement qu'ils sont gros. Par exemple, les grains  de l'émeri  10  mn  mettent dix minutes pour descendre  un  mètre  d'eau.

Un  abrasif qui n'est pas débourbé contient les grains  qu'il  annonce, mélangés  à d'autres de taille plus petite. Il s'agit d'une farine  d'émeri gênante  pour  l'efficacité du travail. C'est le cas des W1, W2 et  W3  qui correspondent à du 5, 10 et 20 mn.

Pour débourber, prenez un grand pot de confiture vide (faites-vous des tartines si nécessiare) et  propre, mettez une épaisseur d'émeri d'un centimètre, remplissez d'eau et mélangez. Attendez que la plupart des grains soit tombée, ce qui correspond au double du  minutage,  puis videz l'eau avec  ce qui y reste en suspension. Il est nécessaire  de  réitérer 2 à 3 fois cette opération, jusqu'à ce  que  l'eau soit à peu près claire au-dessus de l'émeri qui s'y est déposé. Il devrait alors  vous rester approximativement la moitié du volume initial d'abrasif.

Pour une hauteur d'un mètre d'eau le temps de décantation devrait être pour  le W1 de 15 minutes, pour le W2 : 25 mn et pour le W3 :  40  minutes. Dans un bocal de 20 centimètres de hauteur cela donne W1 : 3 mn, W2 : 5  mn et pour W3 : 8 minutes.
 

 4.2 - LES ÉTAPES DU DOUCISSAGE

Le cor 120 ou l'émeri 1 mn :  Remplissez  le quart d'un verre de cet émeri et ajoutez de l'eau  pour former  une  boue épaisse. C'est ainsi que devront être préparés  tous  les émeris avant utilisation. Mais attention, ne les stockez pas dans cet  état car les grains s'agglomèrent facilement, ce qui peut provoquer des  rayures lors de leur emploi.

Trempez les disques dans la cuvette, puis essuyez-en bien le dos et la tranche  :  balayez  du plat de la main l'excès d'eau sur  les  surfaces  à travailler.  Posez  un des disques sur le poste. Prélevez une  noisette  de pâte d'émeri et étalez-la sur le disque avec  les doigts. Posez délicatement le second disque dessus et faites quelques courses, en le soulageant de son poids, pour bien répartir l'émeri. Travaillez avec  des courses normales. Si le  dosage  d'émeri  et d'eau est correct, on voit le film d'abrasif  se répartir  uniformément,  accompagné éventuellement de  petites  bulles  qui s'allongent  dans le sens des courses. Avec  l'évolution de la séchée  l'eau s'évapore  et l'abrasif se charge de poudre de verre. au bout de 5 à 10  mn le bruit d'abrasion s'est affaibli et la résistance à l'avancement augmente rapidement. On doit alors arrêter la séchée. Nettoyez avec l'éponge les disques dans la cuvette. Ils doivent être parfaitement  propres  pour  la séchée suivante. Inverser à ce moment les disques miroir et outil.

Le  dosage  d'émeri et d'eau n'étant jamais correct du  premier  coup, voici ce qui peut arriver :

Il  y a trop d'eau par rapport à la quantité d'émeri : l'abrasif est chassé et coule sur les bords, le bruit d'abrasion  diminue rapidement, l'efficacité du travail aussi. La séchée s'éternise.

Il n'y a pas assez d'eau par rapport à  la  quantité  d'émeri : l'abrasif s'embourbe rapidement et se répartit mal, la résistance à l'avancement  devient plus forte et irrégulière. La séchée est trop courte.

Ceci  est valable pour tout le doucissage, mais vous  vous  apercevrez que la quantité d'abrasif et d'eau nécessaire diminue quand on descend dans la  gamme  des émeris.  Une expérience acquise valant mieux  que tous ces renseignements,  notez vos remarques sur votre carnet et  numérotez-y  vos séchées avec la mention « pour le miroir dessus ou  » pour le miroir dessous.

Il est nécessaire pour un débutant d'effectuer 20 ou 30 séchées de cor 120 pour éliminer les écailles du carbo 80. On a l'impression qu'elles  ont disparu  au  bout de 3 ou 4 séchées, mais en observant le  miroir  sec   par transparence  devant une lampe, on voit des points brillants à  la  surface qui sont de profondes piqûres.


 Pour les reconnaître d'une séchée à  l'autre et  voir si elles ont disparu, faites des trous dans une feuille de  papier et ce, en face de ces écailles quand on la pose sur le disque. Marquez  par des flèches l'orientation de la feuille par rapport au miroir.

Faites des séchées plus courtes et plus mordantes au début d'un émeri : l'usure sera plus rapide. Aux dernières séchées, adoucissez au  contraire les  courses pour réduire les piqûres. Quand les plus grosses écailles  ont disparu, nettoyez tout et passez à la phase suivante.

Le cor 180 ou l'émeri 2 mn :  Même  travail que précédemment, 15 à 20 séchées sont nécessaires  pour éliminer  les  piqûres du cor 120. Vers la fin, le travail doit  être  très doux.  Faites  durer  un peu plus les 5 dernières séchées et,  en  plus  du nettoyage, changez d'éponge pour passer au W1.

L'émeri W1 ou le 5 mn : La taille des grains du W1 étant nettement inférieure à celle du 5 mn, 20 séchées seront nécessaires. Cet émeri doit être débourbé (voir  chapitre 4.2), ainsi que les W2 et 3. Le bruit d'abrasion est largement plus doux.

Le W2 ou émeri 10 mn :  Faire 10 séchées au minimum.

W3 ou le 20 mn :  8  séchées minimum sont nécessaires avec  cet émeri : Changer l'éponge avant de passer au BM 303.

Le BM 303 1/2 ou le 40 mn :  Cette taille de grain demande 6 séchées au minimum.

Le BM 304 ou 60 mn :   6  séchées, faites les 2 dernières le miroir dessous et mettez un  peu plus d'eau pour bien les faire durer.

     Le doucissage est terminé. Votre miroir a maintenant un aspect  satiné et  il réfléchit déjà la lumière pour les incidences rasantes et  obliques. Au-delà  d'un  certain  angle,  l'image  réfléchie  devient  rougeâtre   et s'éteint.  Cet angle croît avec  la finesse du douci et atteint 30 à 40º  au stade actuel.
 

4.3 - DÉFAUTS POSSIBLES AU DOUCISSAGE

Si vous n'avez pas été suffisamment soigneux dans votre travail, il a pu vous arriver quelques mésaventures :

- des  éclats,  si le chanfrein a été mal refait ou si vous avez  cogné  le   bord  d'un  disque  en le manipulant trop brutalement. Il n'y a pas de remède mais cela ne nuit pas à la qualité du miroir ;

- des  rayures dues à un grain d'émeri grossier si vous avez  mal nettoyé.  Reprenez le doucissage à un stade antérieur (le W1 suffit  généralement).   Les  rayures  qui  subsistent en fin de doucissage ne  partiront  pas  au   polissage ;

- des  piqûres qui sont restées après le passage trop rapide d'un émeri au suivant. Si vous êtes exigeant reprenez le doucissage au W2 ou 3, mais ce  ne sont pas des défauts trop nuisibles ;

- une  mauvaise forme des surfaces. Vous vous en apercevrez  au  polissage. C'est  le  défaut  le plus grave, mais il arrive très rarement si les courses ont été correctement effectuées et le miroir correctement supporté pendant le travail.

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