TAILLEZ VOUS MÊME VOTRE MIROIR DE TÉLESCOPE

partie 1

Ce texte date de 1989, il a été publié sous forme de brochure par  Ciel et Espace

© 1989, Texte et dessins de ces pages :  Laurent  Koechlin

LAURENT KOECHLIN
Observatoire Midi Pyrénées
14 avenue Edouard Belin
31400 TOULOUSE

tel  05 61 33 28 87
fax 05 61 33 28 40
 
 

TABLE DES MATIERES

1 - LES TÉLESCOPES ET LEURS MIROIRS
    1.1 - LE CHOIX DE LA FOCALE
    1.2 - LA TAILLE D'UN MIROIR

2 - COMMENT S'INSTALLER

3. L’EBAUCHAGE
    3.1 - MÉTHODE DE TRAVAIL
        3.11 - La taille du miroir
        3.12 Les Courses d'ébauchage
    3.2 - CONTRÔLE DU RAYON DE COURBURE
        3.21 - Le calibre en bristol
        3.22 - mesure du rayon de courbure par réflexion
        3.23 - Le sphéromètre
        3.24 Utilisation du sphèromètre
    3.3 - FIN D'ÉBAUCHAGE ET PRÉPARATION AU DOUCISSAGE

4 - LE DOUCISSAGE
    4.1 DEBOURBAGE D'UN ÉMERI
    4.2 - LES ÉTAPES DU DOUCISSAGE
    4.3 - DÉFAUTS POSSIBLES AU DOUCISSAGE

5 - LE POLISSAGE
    5.1 - LE POLISSOIR
    5.2 LA POIX
    5.3 - SCEANCES DE POLISSAGE
    5.4 - RETAILLAGE DES CARRES DE POIX
    5.5 - QUELQUES RÈGLES A RESPECTER
    5.6 - DIFFICULTÉS AU POLISSAGE

6 - LE FOUCAULTAGE
    6.1 - PRINCIPE DE LA MESURE AVEC L'APPAREIL DE FOUCAULT
    6.2 - QUELS SONT LES PLUS PETITS DÉFAUTS DÉCELABLES ?
    6.3 - CONSTRUCTION DE L'APPAREIL DE FOUCAULT
        6.31 - Matériaux et outils nécessaires
    6.4 - LA PRATIQUE DU FOUCAULTAGE
        6.41 - Détermination de la distance focale de l'instrument
    6.5 - CORRECTION DES GROS DÉFAUTS D'UN TIRAGE DE 1 mm OU PLUS

7 - LA PARABOLISATION
    7.1 LA PARABOLISATION EST  NÉCESSAIRE
    7.2 - COURSES DE PARABOLISATION
        7.21 - Première méthode
        7.22 - Deuxième méthode
    7.3 - CONTRÔLE DES ÉCARTS A LA PARABOLE
    7.4 - ÉVALUATION DE LA FORME DE LA SURFACE
    7.5 - UTILISATION ET LIMITES DE LA MÉTHODE DE MESURE
    7.6 - RETOUCHES DES PARABOLES

DÉFINITIONS
 

Cette page contient les chapitres 1  à 3.1

1 - LES TÉLESCOPES ET LEURS MIROIRS





La  construction d'un télescope est une entreprise de longue  haleine, mais  ô  combien passionnante ! Habituellement les astronomes  amateurs  ne font eux-mêmes que le miroir principal, le tube et la monture. ils achètent les autres pièces : miroir plan de renvoi, chercheur, oculaires.

De  nombreux amateurs sont à la recherche de documents  permettant  la réalisation d'un miroir. Malheureusement, la bibliographie sur ce sujet est rare  et  l'ouvrage qui fait référence en ce domaine, (la  construction  du télescope amateur de Jean Texereau), est épuisé depuis fort longtemps.

Les télescopes se caractérisent entre autres par le diamètre (D) et la focale  (f)  de  leur  miroir  principal. C'est de lui que dépend  la  qualité  de  tout l'instrument. C'est aussi la pièce la plus coûteuse quand on veut l'acheter toute faite (2 000 à 3 500 francs en fonction de la qualité, pour un miroir de 21 cm de diamètre).

Ce  miroir doit être de forme parabolique (surface très  proche  d'une calotte de sphère), d'une précision extrême : les écarts avec   la  surface idéale  ne doivent pas dépasser 1/20 000 de mm ou encore  lambda/8 .Lambda = 0,00056 mm, c'est la longueur d'onde de la lumière jaune-vert, à laquelle  l'oeil est  le  plus  sensible. Seule une machine très  perfectionnée  doit  être capable  de réaliser cela, direz-vous, eh bien pas du tout : les meilleurs résultats sont obtenus à la main et par des méthodes somme toute assez simples.
 

1.1 - LE CHOIX DE LA FOCALE

A grossissement égal, un télescope à longue focale est aussi  lumineux qu'un  télescope  de même diamètre à courte focale. Dans  la  majorité  des instruments d'amateurs et du commerce, la focale vaut 5 à 8 fois le diamètre  de l'instrument  :  f/D = 5 à 8. Au-delà, l'instrument est encombrant  et  sa monture  délicate à réaliser, au-dessous le miroir doit être assez  concave et on a des difficultés au polissage pour lui donner une forme  parabolique correcte.

1.2 - LA TAILLE D'UN MIROIR

Évidemment,  plus  la taille du miroir est importante, plus  il  est difficile à réaliser.
 Pour un débutant, les dimensions  optimales  sont comprises entre 200 et 300 mm, de diamètre,  avec un rapport f/D de 5 à 8. Polir un miroir de plus de 300 ou de moins de 150 mm est très délicat.

La taille et le polissage d'un miroir de 21 cm de diamètre prennent en moyenne  une  centaine d'heures, comptez donc, en travaillant un  jour  par semaine,  trois  mois à un an pour en venir à bout. En même  temps  que  le disque  qui  sera  le  miroir, on achète  des  abrasifs,  des  produits  de polissage et un second disque (appelé outil)  en verre, de même diamètre que le  miroir,  mais un peu moins épais pour réduire  les  coûts.  L'épaisseur "standard"  d'un  disque miroir se situe aux alentours de 40  mm.  Pour  le disque outil on peut se contenter de 30 mm.

Il  y  en a pour à peu près 1 200 francs  de  fournitures.  L'économie réalisée  est faible, elle se réduit à zéro si l'on compte  les  nombreuses heures de travail. Mais ce qui est important, c'est l'expérience acquise et qui  permet d'aller plus loin et tailler des instruments d'un  diamètre  de 400,  500 mm, voire même plus. La qualité d'un miroir taillé avec soin sera, dans la majorité des cas, supérieure aux optiques du commerce.

Le travail s'exécute par rodage des deux surfaces l'une contre l'autre avec   interposition  d'un mélange composé d'abrasifs et d'eau. A  cause  du très grand nombre de va-et-vient (courses)  que l'on fait subir aux  disques de verre, chaque point de ceux-ci est usé dans les mêmes proportions. Si un aspérité survient lors de la taille du miroir, celle-ci sera nivelée  plus rapidement  que  l'ensemble  du disque. Pour les creux,  le  phénomène  est inversé.  au  bout  d'un  certain temps,  les  surfaces  des  deux  disques s'appliquent parfaitement l'une sur l'autre dans n'importe quelle position. De  telles  surfaces  ne peuvent être que des portions de sphères,  aux  irrégularités  du dépoli près.

Le travail de taille d'un miroir de télescope se décompose en trois phases :

L'EBAUCHAGE :   A l'aide d'un abrasif grossier, le carbure de silicium ou  carbo,  en grains de 2/10 de mm, on donne  au  disque miroir  sa  forme  concave  voulue  (le  disque  outil devient  convexe). Le verre présente alors un dépoli assez grossier.

LE DOUCISSAGE :   On  réduit le dépoli à l'aide d'abrasifs de plus  en plus  fins (émeri, corindons)  de taille  dégressive, d'un  dixième  à 5 millièmes de  millimètre,  et  la forme s'approche de celle d'une sphère.

LE POLISSAGE :   On  polit  le  miroir avec  une  boue  de  "rouge"  ou d'oxyde  de  zirconium, en le frottant  avec   l'outil recouvert de carrés de poix. Cette dernière phase est la plus délicate.
 
 

2 - COMMENT S'INSTALLER





On doit choisir un local propre et bien éclairé, si possible près d'un point d'eau, et surtout facile à nettoyer. En fin de doucissage, le moindre grain d'abrasif issu du début de la taille peut provoquer une grave rayure. Pour  le  polissage, il est conseillé de changer de local et  de  poste  de travail.  Celui-ci doit être un bâti en bois très stable  :  un baril métallique ou un tonneau en bois recouvert  d'une  planche solidement  fixée qui doit se trouver entre 80 cm et 1 m de  hauteur.  Ceci permet un travail agréable. Il faut lester le poste avec  30 à 50 kg afin de garantir sa stabilité.

autre exemple :

Les disques fournis actuellement  dans le commerce sont approximativement plans.  Ils peuvent avoir une face polie ou au  moins translucide  et une face dépolie. C'est cette dernière qu'il faut  creuser. Le côté dépoli permet de voir travailler l'abrasif et de doser correctement l'oxyde ou le rouge lors du polissage. Le verre contient des petites bulles très  gênantes si on les atteint pendant l'ébauchage ou le  doucissage  car elles se remplissent d'abrasifs et sont difficiles à nettoyer. Cet  abrasif peut  causer des rayures quand le dépoli est devenu fin. Il faut vérifier que  la face à tailler soit, sur une épaisseur d'environ 3 mm,  exempte  de bulles.  Pour les voir, on mouille le disque ou on l'enduit d'huile  et  on l'observe  par transparence derrière une lampe. Ne vous affolez pas si  sur l'ensemble  de  son épaisseur il y en a beaucoup : on creuse  très  peu  le verre.  Pour un miroir de télescope de 21 cm de diamètre et ouvert à f/D  = 6, la flèche est de 2 mm au centre. Seules les bulles proche de la  surface de taille sont gênantes : elles apparaissent très nettes.

Une fois les faces repérées, faites un chanfrein (si ce n'est déjà  le cas)  de 2 à 3 mm sur le disque miroir et de 4 à 5 mm sur  l'outil,  pour éviter écaillements et ébréchures. On utilise pour cela une pierre à  carbo (achetée en droguerie) qui sera mouillée.

Après toutes ces opérations, on peut commencer l'ébauchage. Nous allons traiter le travail d'un miroir de 210 mm de diamètre, à f/D  =  6, mais  la  méthode  reste la même entre 160 et 310 mm, quelle que soit la focale que l'on a choisi d'obtenir.
 
 

3. L’EBAUCHAGE

3.1 - MÉTHODE DE TRAVAIL

Avant  d'entamer  la taille du miroir, rappelons que le  travail  doit être  effectué  avec   soin et rigueur. Ces précautions  vous  éviteront  de passer  de  nombreuses  heures  à faire  des  retouches,  de  vous  énerver inutilement et peut-être même finalement de renoncer.
 

3.11 - La taille du miroir

MATÉRIEL NÉCESSAIRE :
- Une cuvette pouvant contenir les disques,
- une éponge,
- 500  grammes de carbo,
- et bien sûr, les deux  disques et le poste de travail.

Mettre le carbo dans une salière pour le saupoudrer sur un disque : cela permet une bonne répartition de l'abrasif en début de séchée et un dosage précis.

Le  disque outil doit reposer sur le poste par  l'intermédiaire  d'une épaisseur de feutrine recouverte d'une feuille de plastique pour  faciliter le nettoyage. Trois cales à 120 degrés servent à le maintenir fixe sans  le serrer. Rangez soigneusement le carbo, la cuvette et l'éponge à des  places déterminées et limitez au maximum le nombre d'objets à manipuler.

Trempez les deux disques, l'un après l'autre, dans une cuvette remplie d'eau,  puis essuyez-en sommairement le dos et mettez l'outil en place  sur le  poste. Saupoudrez quelques centimètres cube de carbo et posez  le  miroir dessus  en ayant soin de ne pas vous tromper de face (il est bon de  mettre une flèche au crayon sur la tranche pour l'indiquer, et avant d'entamer les courses vérifier une seconde fois la bonne position des disques).

La  quantité  d'eau nécessaire à une séchée d'ébauche doit  être  bien dosée  afin que l'abrasif se répartisse uniformément. Elle  correspond  en général  à  ce  qui reste sur la surface des disques après  qu'on  les  ait rincés  et sommairement égouttés. S'il y a trop d'eau, dès le début  de  la séchée, vous verrez le carbo chassé de la surface de travail et couler  sur le  bord  de l'outil : rapidement, le bruit diminuera. Si au  contraire  la quantité  est insuffisante, le mouvement s'embourbera à cause  d'une  purée sèche de poudre de verre et de carbo irrégulièrement répartie. Si le dosage n'est pas parfait, ce n'est pas très grave : l'ébauchage sera un peu  moins rapide. Il est conseillé de changer l'eau de la cuvette  toutes  les  10 séchées.

 3.12 Les Courses d'ébauchage

elles sont très fortement décentrées latéralement : 5/6 du diamètre, et longues.
Vitesse : 1 aller et retour par seconde.
Pression : forte.

Le bord de l'outil doit user le centre du miroir.
Pour bien répartir l'usure, tournez le miroir dans vos mains de 1/6 de tour tous les 3 ou 4 aller et retours, et décalez vous d'un pas. Tout doit avoir changé : l'orientation du miroir par rapport aux mains, son orientation par rapport à l'outil et par rapport à la direction moyenne des courses.

Continuez jusqu'à ce que le carbo soit usé (1 à 2 minutes). Il forme alors une boue grisâtre avec la poudre de verre et le bruit d'abrasion  est moins fort qu'au début.

Séparez les disques en les ex-centrant et rincez-les. Vous avez fait ce qu'on appelle une "séchée". L'ébauchage en demande entre 50 et 100 pour  un débutant.

Comme vous voyez sur le schéma , les courses  sont très  excentrées,   Si l'on allonge trop les courses, le miroir "bascule".  Ce  n'est pas  grave quand la pression des mains n'est pas trop forte. Lorsque vous  aurez acquis  suffisamment l'habitude pour éviter ces maladresses,  vous  devrez appuyer sur le miroir d'une force de 10 à 20 kg. L'efficacité  du  travail est  proportionnelle à la pression. A ce rythme, les séchées  durent  moins longtemps. au bout d'une heure ou deux de travail, soit 10 à 20 séchées, on commence à voir une faible courbure en observant le miroir par la tranche. Lorsqu'on approche de la bonne courbure (voir méthodes de contrôle de courbure plus loin), il faut utiliser des courses moins excentrées, les courses de fin d'ébauchage :
Miroir dessus.
centrées et allongées.
Vitesse : 1 aller-retour toutes les 2 s.
pression : un peu plus que le poids des mains.
Les zones moyennes du miroir et de l'outil s'usent pour acquérir une forme plus sphérique. La surface du miroir se creuse encore un peu.

- courses normales : pour les dernières séchées d'ébauchage, tout le doucissage et le polissage (à part les retouches  en fin de polissage)  :

Aussi bien miroir dessus qu'outil dessus.
Vitesse : à varier, autour de 1 aller-retour pas seconde.
pression : un peu plus que le poids des mains.
La courbure du miroir ne change pratiquement pas : elle se creuse très légèrement en position miroir dessus et l'effet est inverse en position miroir dessous .

En moyenne ces courses ont  pour longueur un tiers du diamètre des disques. Ceux-ci  doivent  donc  être décalés d'un sixième de D en bout de course, soit 2 à 3 cm pour un 160 mm de diamètre et 3 à 4 cm pour un 210 mm.

Faites  dériver  les courses latéralement vers un bord ou  l'autre  du disque, ce qui leur donne la forme d'un W, d'un M, d'un à deux ou plusieurs boucles Le décalage latéral maximum est de 1 à 2 cm pour un 160 mm et 2 à 3 cm pour un 210 mm (schéma 3.1). En bout de course n'arrêtez pas les disques mais faites un  boucle pour revenir, vous éviterez  ainsi des écailles supplémentaires. Tournez le disque dans vos mains tous les 10 ou 15  aller et  retours,  et  décalez-vous d'un pas en sens inverse.  Après  50  à  100 courses, le disque doit avoir fait deux tours, et vous un tour autour du poste.

Tout ceci a pour but de répartir uniformément les courses et  d'éviter qu'elles ne reviennent systématiquement aux mêmes endroits. L'idéal  serait qu'elles  soient réparties au hasard, ne respectez donc  qu'à peu  près  les chiffres  ci-dessus  et variez amplitude, décalage, vitesse  et  forme  des courses.  En taillant un miroir à plusieurs, on a de meilleures chances  de le réussir car le travail est diversifié.

Affolé  par tant de précautions à prendre, la tête entre les mains  et les  coudes sur le poste de travail, vous vous dites : "Mais  dans  quelle galère  me  suis-je embarqué !"... Soyez sans crainte,  c'est  plus  facile qu'il n'y paraît. On apprend vite à exécuter tous ces gestes sans y penser, et à "sentir" ce qui se passe entre les deux disques.
 

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chapitre 5  à  6.2
chapitre  6.3  à  la fin