Correction de la dispersion atmosphérique avec des prismes de Risley
Prismes de Risley de PISCO2.
a) Principe: correction par prismes de Risley
Pour un objet astronomique observé à une
distance zénithale non nulle, l'atmosphère se comporte
comme un prisme mince d'indice
et produit un déplacement vertical de l'image, qui varie en
fonction de la longueur d'onde
.
Pour de grandes distances zénithales, les étoiles
paraissent ainsi plus hautes sur l'horizon qu'elles ne le sont
véritablement. Cet angle de réfraction dépendant
de la longueur d'onde, chaque image d'un objet observé près
de l'horizon est en fait ``étirée'' en un petit
spectre. Par exemple, si l'on considère une large bande
passante, entre
et Ca
,
on obtient une dispersion atmosphérique de l'ordre de 1
" pour une distance zénithale
et 2 " pour
.
Cet effet est négligé dans la plupart des observations astronomiques, car la longueur de ce spectre dans le domaine visible est du même ordre que l'agitation des images causé par la turbulence atmosphérique. Par contre cet effet doit être impérativement corrigé lorsqu'on cherche à atteindre une résolution très inférieure à la seconde d'arc.
Pour notre instrument, la correction est faite grâce à
un ensemble de deux jeux identiques de deux prismes. Chaque jeu est
constitué par deux prismes d'indice et d'angle différents
disposés tête-bèche. Ces deux prismes ont été
calculés de façon à avoir une déviation
moyenne nulle, avec une dispersion suffisante pour corriger les
effets de l'atmosphère pour des observations jusqu'à
une distance zénithale de 60.
Lors des observations, la distance zénithale est calculée ainsi que la dispersion atmosphérique qui en résulte. Les deux jeux sont alors orientés de façon à ce que leur dispersion totale soit égale en intensité à la dispersion atmosphérique, mais dans la direction opposée.
b) Dispersion atmosphérique
Pour notre problème, on peut considérer que la
Terre est plate et l'atmosphère est modélisée
par une couche plane homogène d'indice
.
D'après la loi de Descartes:
avec
=1
(vide). L'angle
entre la normale à la surface et l'objet correspond à
ce que les astronomes appellent la distance zénithale.
Dérivons cette relation par rapport à
:
On obtient ainsi une expression de la dispersion atmosphérique (obtenue pour la première fois par Lambert en 1759):
C'est donc la dépendance
qui est essentielle pour notre problème. L'indice de
l'atmosphère a été l'objet de nombreuses études
et il existe un certain nombre de formules semi-empiriques. Nous
utiliserons la formule de J.C Owens car elle est souvent citée
dans la litérature astronomique.
J.C. Owens (1967) donne les expressions suivantes (formules
n 29
à 31 de son article):
où
et
sont les facteurs de densité associés respectivement à
l'air sec standard sans CO
,
et à la vapeur d'eau:
Ici
est la pression partielle de l'air sec standard supposé
contenir 0.03% de CO
et
est la pression partielle de la vapeur d'eau. Les unités sont
les suivantes: pression en millibars, longeur d'onde en microns,
température en degrés Kelvin.
Ces formules conduisent à des erreurs de l'ordre de
--
sur l'indice de l'air dans les conditions proches des valeurs
mesurées en laboratoire.
Simon (1966) a dérivé une expression plus précise qui tient compte de la rotondité de la Terre, et de la variation d'indice de l'air en fonction de l'altitude, mesurée par des fusées-sondes. Nous avons comparé numériquement ces formules et obtenu un très bon accord entre elles. Les formules de Simon n'étant valables que pour certaines conditions météorologiques, nous utiliserons de préférence les formules plus simples qui ne font intervenir qu'une valeur moyenne de l'indice de l'air.
b) Calcul de l'angle des prismes
Revenons donc à l'équation (3) pour estimer
l'ordre de grandeur de la correction maximale à appliquer pour
notre instrument dans des conditions ``standards'', avec un filtre V
de 20 nm de bande passante, et une distance zénithale de
70.
En appliquant les formules de Owens (1967), avec
=720 mB,
T=0
C,
un degré d'hygrométrie de 30%,
=70
,
=550 nm,
et
=20 nm,
on obtient:
=0.17
" au niveau du foyer Cassegrain. Le tavelographe
introduisant un grandissement de 250 fois (rapport entre les focales
du télescope (50 m) et celle du collimateur (0.20 m)),
il faut donc corriger une dispersion de
=0.20 mrad
dans le faisceau parallèle, là où se trouvent
les prismes de Risley.
Dans un cas très défavorable avec
=900 mB,
T=0
C,
un degré d'hygrométrie de 100%,
=70
,
=0.21
", on obtient donc:
=0.25 mrad.
La correction maximale à appliquer est donc de 0.25 mrad.
La déviation d'un prisme mince d'angle
est
.
Pour un jeu de deux prismes tête-bèche, d'indices
et
et d'angles
et
,
la déviation totale est donc
.
Nous voulons une deviation nulle pour
=550 nm,
donc nous avons une contrainte sur le rapport d'angles:
Dans le cas de la combinaison F4-SK10, on a:
n(550 nm)
1.62002,
et n
(550 nm)
1.62514.
Donc
Nous voulons que la dispersion de ce jeu de deux prismes puisse
annuler la moitié (puisque nous disposons de deux jeux de deux
prismes) de la dispersion atmosphérique
pour une distance zénithale de 70
et une bande passante de 20 nm, centrée sur
=550 nm,
ce qui se traduit par l'équation suivante:
Substituons:
où
est la variation de la quantité concernée entre
nm
et
nm.
Dans le cas de la combinaison de deux matériaux optiques
``standards'' du F4 et du SK10, on a:
,
.
Pour pouvoir corriger une dispersion atmosphérique de
0.25 mrad, il vient
= 9.98
.
On prendra en fait:
= 10.00
,
et en tenant compte de la contrainte de déviation nulle
(éq. (8)):
= 9.92
.
Nous avons fait tailler ces prismes à la société
"SOPTEL" pour PISCO en 1992.
Avec ces valeurs, pour des filtres ayant une bande passante de
100 nm, et balayant l'ensemble du spectre 400-1000 nm, la
dispersion résiduelle maximale est inférieure à
0.015 ", même pour des conditions
défavorables: P=1013 mB, T=0C,
100% d'hygrométrie, et
=65
(Cf description technique
de PISCO ).
Pour PISCO2, installé sur le grande lunette de Nice (voir page web de PISCO2 ), le calcul précédent a conduit aux mêmes valeurs pour les angles des prismes que ceux de PISCO. Les prismes de PISCO2 ont étés réalisés par la société "Optique J. Fichou et Tofico" en 2012.
Une version plus complète (extraite de la thèse d'habilitation de Jean-Louis Prieur) est disponible dans le fichier risley.pdf)
Bibliographie:
Owens, J.C., 1967, Optical refractive index of air: dependence on pressure, temperature and composition, Applied Optics, Vol. 6, 1, 51-59.
Simon, G.W., 1966, A practical solution of the atmospheric dispersion problem, Astronomical Journal, 71, 190.