Les disques d'accrétion sont un autre domaine de l'astrophysique où la mécanique des fluides occupe une place de choix. Faisant intervenir le transfert radiatif, des vitesses supersoniques, les champs magnétiques, ces objets offrent sans doute les problèmes les plus complexes de la mécanique des fluides. Pourtant, si on se rappelle que c'est par l'intermédiaire de tels disques, où l'énergie gravitationnelle est transformée en rayonnement, que les quasars rayonnent leur exceptionnelle luminosité, on comprendra aisément que l'étude de leur dynamique est incontournable si l'on souhaite décrire correctement ces objets.
L'intérêt qu'a porté la communauté scientifique au problème de la stabilité des disques d'accrétion est apparu assez soudainement lorsque en 1984 J. Pringle et J. Papaloizou ont montré que les tores d'accrétion étaient dynamiquement instables. Il faut rappeller en effet que le modèle couramment admis pour expliquer la luminosité super-Eddington des quasars était celui du tore d'accrétion autour d'un trou noir géant. En montrant que ces tores étaient dynamiquement instables Pringle et Papaloizou détruisaient un modèle pour lequel on n'avait pas de remplaçant. Lors de mon séjour à Trieste, j'ai travaillé avec M. Abramowicz, un des pères fondateurs du modèle des quasars, sur la stabilité des tores. A l'époque il était clair que les petits tores (rayon interne du tore petit devant son rayon orbital) était dynamiquement instables: l'instabilité résultant d'une interaction entre les différentes ondes de gravité qui se propagent à la surface du tore. Pourtant tout espoir n'était pas perdu puisque plusieurs solutions numériques semblaient indiquer qu'au fur et à mesure que la taille du tore augmentait, le taux de croissance de l'instabilité diminuait. Les tores qui doivent être envisagés pour les applications astrophysiques sont de très grandes tailles et donc peut-être finalement stables. Avec M. Abramowicz nous avons essayé de construire un modèle asymptotique valable pour les très grandes tailles. Malheureusement ce travail n'a jamais débouché car toutes les méthodes de développement asymptotiques aboutissaient à une équation aux dérivées partielles non séparable.
A l'heure actuelle, ce problème n'est toujours pas résolu et faute de mieux le modèle d'Abramowicz et al. est toujours en vigueur. Dans le prolongement de ces recherches, j'ai proposé à B. Dubrulle (Observatoire Midi-Pyrénées), qui préparait alors une thèse sur l'hydrodynamique de ces objets, d'examiner un modèle où les effets non-linéaires pouvaient être traités analytiquement via les équations d'amplitude. Ce travail nous a permis de nous familiariser avec les bifurcations de systèmes hamiltoniens et, sur le plan astrophysique, de montrer que les non-linéarités du premier ordre avaient tendance à freiner le développement des perturbations et donc à inhiber l'instabilité [6].