RALLYE PHEBUS 2000
Au soleil sous la pluie

 
 

Les sun racers traversent le désert Australien à 90 km/h de moyenne sur 3000 km sans autre apport que le soleil. Ces grandes courses de voitures solaires telles le World Solar Challenge (WSC)  font rêver les spectateurs. Ils s'imaginent: "On pourrait aller sur Mars ou la grande ourse avec ce truc là, mais au quotidien c'est pas demain la veille que ça remplacera mon 4x4 diesel tout neuf' !"

Les capteurs solaires embarqués des sun racers sont légers et de haut rendement, mais hors de prix : jusqu'à plusieurs millions de francs. C'est même plus cher au mètre carré que les panneaux pour le spatial ! Nous (1) avons pensé à un rallye où l'on verrait non seulement les prototypes "haut de gamme" mais aussi  des véhicules prouvant que le solaire pour les transports est une technologie d'avenir abordable et utilisable au présent.

Au rallye de 120 km que nous avons organisé en juin 2000 entre Mirepoix et Toulouse ont couru des véhicules avec, et aussi sans capteurs embarqués, à une condition toutefois: l'électricité qu'ils ont utilisé a été exclusivement d'origine solaire. Comment est-ce possible ?

Les capteurs solaires photovoltaïques classiques sont à 25 ou 30 F le watt crête, soit jusqu'à 100 fois moins cher que ceux du WSC. Ces panneaux sont lourds et inutilisables sur un véhicule mais bien adaptés sur le toit des maisons. Ils équipent entre autres les 250 microcentrales solaires familiales reliées au réseau EdF en France,. l'Europe et depuis peu le plan "Hip Hip" de l'ADEME (pour un demi mégawatt crête) en  subventionnent l'installation, mettant le prix du watt crête installé aux environs de 20 F.

L'histoire du photovoltaïque relié au réseau en France remonte à 1993, mais dans un pays ou 78% de l'électricité vient du nucléaire et où il y a un quasi monopole d' EdF c'est une longue histoire. On ne va pas s'étendre sur le sujet ici, juste un exemple : mon installation solaire date de fin 1996 et a produit 8600 kWh en un peu plus de quatre ans, sans panne et quasi sans entretien, soit 74% de la consommation de ma famille sur cette période. Ca marche.

Il y a maintenant une douzaine de microcentrales solaires dans un rayon de 150 km autour de Toulouse. On s'est dit: Faisons passer le rallye à proximité de quatre d'entre elles, et autorisons la recharge des véhicules sur le réseau EdF à proximité de ces centrales. Des compteurs électriques vont mesurer l'énergie distribuée, on va comparer à l'énergie produite et faire le bilan. On verra si le soleil suffit à faire tourner le rallye pendant trois jours!

En septembre 1999, quand nous avons commencé les plans du premier rallye solaire, on avait un gros problème: en France comme ailleurs, il est interdit de circuler avec un véhicule non immatriculé. Or, la plupart des concurrents potentiels sont des équipes d'élèves de grandes écoles ou d'universités avec leur proto de laboratoire, ou des bricoleurs plus ou moins "géniaux" avec des voitures pas toujours dans les normes des grands constructeurs. Aux premiers contacts avec la préfecture, quand on a parlé d'autorisation, on nous a gentiment rappelé que les responsables de la sécurité routière n'étaient pas des rigolos. C'était quasi sans espoir.

Il faut croire que Lourdes n'est pas si loin, car après six mois de travail, grâce au soutien actif du Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), à de nombreuses réunions,  un règlement strict sur la sécurité pour le rallye, nous avons pu obtenir la bienveillance du responsable de la circulation à la préfecture et convaincre l'autorité responsable : la Direction Régionale de l'Industrie, de la Recherche et de l'Environnement (DRIRE) de nous accorder l'achat de cartes grises "W" valables trois jours ! Il s ont bien fait: il n'y a eu aucun incident de circulation lors du rallye.

Le budget (hors budget des équipes) pour l'organisation fut de 45 000 F environ. Sur cette somme, 27 000 F on été donnés par le CNRS et 17 000 par la Cité de l'Espace. Ils on servi à payer un spectacle à l'arrivée, les prix, l'assurance organisateur, du travail de secrétariat et d'affichage, et les précieuses cartes grises. Le gros de l'organisation a été bénévole : des élèves de l'ENSEEIHT et des membres de l'association Phébus Ariège. Pour cette "première" l'inscription fut gratuite.

 Le 10 juin 2000, Piaffant sur la ligne de départ devant l'imposante cathédrale romane de Mirepoix (en fait blotties au fond d'un café sur la place, vous allez voir pourquoi) il y avait dix équipes concurrentes:

- trois vélos électriques solaires du même constructeur : Selectric à Paris.

- le Buggy solar et la Moto Solar, venant de Barcelone. Jetez un oeil à leur site : www.electromobil.net

- Le Mini-EL, voiturette électrique Danoise ayant fait en son temps le "Tour de Sol" en Suisse, remise à neuf pour l'occasion.

- Une méhari convertie à l'électrique venant de Gouaux, dans les Hautes Pyrénées.

- Une Clio de course avec un moteur de 75 kW sur batteries NiCd, Du club Cévélec de Grenoble. Cette voiture a la particularité de faire les ouvertures de rallyes, et d'avoir une boîte de vitesses dont la synchro est effectuée par un asservissement du moteur électrique sur la rotation des pignons lors des changements de vitesse.

- Soleïada, le "sun racer" du LEEI ENSEEIHT à Toulouse, avec un beau capteur solaire factice peint en bleu sur la queue. Ils avaient pu financer leur véhicule à temps pour le rallye, mais pas encore le générateur solaire. Le moteur roue, un des plus performants au monde, qui fut conçu et construit par le LEEI ENSEEIHT à Toulouse pour le véhicule qu'ils ont utilisé lors du WSC en 1996, a été modifié, amélioré et testé sur parcours de montagne lors de ce rallye.

- Mad Dogs III, un magnifique sun racer venant de South Bank University à Londres.

A l'autre bout de l'itinéraire de 120 km il y avait la Cité de l'Espace, à Toulouse. Le temps est habituellement beau et chaud en cette saison, et nous avions préparé des "kits de survie" pour les concurrents, avec de l'eau minérale, des cartes, boussoles, casquettes solaires et T-shirts du rallye.

On était devant un café chaud car dehors il tombait une pluie froide et ininterrompue depuis le matin. La météo était pessimiste pour les trois jours à venir et elle avait terriblement raison. Les inondations record de ces 23 dernières années ont fait la une des journaux (à notre place?) ce week-end là!

On a appris tout de même une chose pendant ces trois jours: vous ne le croirez pas, mais les véhicules solaires, ça marche aussi sous la pluie ! Enfin, ceux qui n'ont pas fait l'impasse sur l'étanchéité... Les capteurs embarqués et les quatre microcentrales solaires le long de la route ont fourni assez d'électricité pour alimenter tout le rallye sur 120 km de route. La Clio électrique est la seule à avoir fait la totalité du parcours sans faille, les autres, transis ou ne pouvant pas passer, ont été remorqués sur les tronçons les plus trempés.

Un tableau résume qui a fait quoi parmi les concurrents, et la balance énergétique.

et de nombreuses photos.

Beaucoup de routes étaient fermées pour cause d'inondation. Quelques mois avant le départ, nous avions préparé l'itinéraire en choisissant des routes de crêtes, pour l'ensoleillement et pour la vue. On a eu le vent et le brouillard, pas de vue et pas de soleil sauf le dernier jour, mais cet itinéraire en hauteur nous a sauvés.

Les quatre microcentrales prises en considération dans la balance énergétique du rallye, ont produit 35 kWh sur trois jours pour 30 kWh consommés ! S'il avait fait beau, il y aurait eu 90 kWh d'excédent.  La Clio à elle seule a consommé 78% de toute l'électricité produite. C'est son moteur de course, et le fait qu'elle a fait le plus long parcours, qui est responsable. Les autres véhicules ont une consommation au km beaucoup plus faible, mais sont plus fragiles. Jetez un oeil aux mesures et aux photos du rallye.

Pour l'ascension, en mai 2001, on remet ça. Qu'il pleuve ou pas. Tant qu'à faire on préférerait du soleil. Ce sera en gros la même chose, mais sur quatre jours au lieu de trois et avec un peu plus de Pyrénées.

On partira d'Odeillo pour un prologue autour de Font Romeu (Pyrénées Orientales). Cette région détient le record d'ensoleillement en France, il y a là-bas un four solaire géant de 25 mètres de haut qui peut fondre presque n'importe quoi dans son foyer à 3000 degrés. Ce sera le point de départ. Après une étape de liaison vers la haute Ariège pour éviter le col de Puy-Morens, on descend doucement à travers le pays Cathare vers Toulouse, en trois jours.

Avec un musée solaire à son départ, une Cité de l'Espace à son arrivée, et de nombreuses animations artistiques et scientifiques aux étapes, ce rallye sera plus qu'une course. D'ailleurs ce ne sera pas une course. On n'oserait pas seulement imaginer l'ambiance à la DRIRE si on demandant d'organiser une course de vitesse sur route ouverte en France ! Et surtout, l'excès de vitesse et la prise de risque ce n'est pas vraiment notre tasse de thé. Démontrer la viabilité d'une nouvelle technologie au quotidien pour nous c'est autre chose.

Il y aura bel et bien une compétition, car il y a beaucoup d'autres moyens que la course pour défier pilotes et prototypes. Il y aura des prix aussi, et en fonction des Sponsors ce seront soit des gadgets solaires et un bon repas ensemble comme l'an passé, soit quelque chose de plus sérieux comme un voyage en Australie par exemple.

On a des idées pour l'avenir. Si cela s'avère trop facile de descendre sur Toulouse, on partira de Toulouse à l'assaut des montagnes. Il y a le Tourmalet par exemple, puis il y a l'Espagne, et plus au sud tout un continent inondé de soleil !


photo: Jean François Bariteaud (barjf@aero.obs-mip.fr)

Arrivée du rallye à la Cité de l'Espace à Toulouse le 12 juin 2000

Plaquette  et itinéraire du rallye 2000

Programme du rallye 2000

quelques photos  du rallye 2000.

Bilan énergétique  du rallye 2000